Vous me mettrez un Brexit et petit vent de panique, merci

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Ceux qui me lisent régulièrement, ou ceux qui, plus simplement, se tiennent un peu au courant de l’état économique mondial, savent que la situation européenne n’est pas à proprement parler réjouissante. Dans un précédent billet où je notais l’extraordinaire résilience des États devant l’adversité, j’avais en outre mentionné la probabilité non nulle qu’un événement singulier (je pensais au Brexit) pourrait peut-être provoquer un grain boursier tant les tensions accumulées étaient grandes. Dernièrement, les faits semblent me donner raison.

Et bien évidemment, la presse (notamment française) est en première ligne pour se goinfrer de poncifs, de raccourcis et de sous-entendus douteux. Alors qu’on apprend jeudi matin que six fonds de gestion d’actifs immobiliers ont gelé toutes leurs opérations, nos journaux, plein de courage et de fine analyse, n’hésitent plus à titrailler que le Brexit n’en finit plus d’affoler.

Il est vrai qu’il y a matière à se poser des questions : en l’espace d’une semaine, six fonds de gestion immobilière ont été obligés de suspendre les remboursements devant l’afflux des demandes de particuliers, qui ont augmenté de façon sensible après le Brexit. En substance, des milliers d’investisseurs positionnés dans l’immobilier anglais et ayant fait appel à ces fonds pour gérer leurs placements demandent maintenant à en sortir suite au changement possible de fiscalité liée à la sortie britannique de l’Union Européenne. Bien évidemment, l’immobilier étant par nature bien moins liquide que d’autres types de fonds, le manque de liquidités disponibles s’est rapidement fait sentir pour un premier puis un second fonds qui ont été obligés d’arrêter leurs remboursements en attendant de pouvoir liquider certaines de leurs positions.

L’information, rapidement connue de tous, n’a fait qu’encourager les clients d’autres fonds à prendre leurs dispositions pour éviter de se retrouver coincés à leur tour. On est dans un schéma classique de « bank run » sur un marché qui, de surcroît, est particulièrement délicat puisque non seulement peu liquide mais aussi particulièrement profond et très lié au reste de l’activité économique du pays. Les fonds actuellement bloqués représentent ainsi plus de 17 milliards d’euros d’actifs, et pour répondre aux demandes des clients, les gérants de ces fonds doivent à présent … vendre des biens immobiliers. Par ricochet, il n’est pas invraisemblable d’imaginer une baisse sensible de l’immobilier britannique, notamment à Londres où le marché du haut de gamme est particulièrement tendu selon la Banque d’Angleterre et où les prix dépassent de 54% les sommets atteints avant la crise financière de 2008.

Cette situation, propre au marché britannique, intervient alors que d’autres problèmes continuent de se développer sur le continent.

D’une part, on ne peut plus passer sous silence la situation aussi gênante que visible de la Deutsche Bank, dont le cours ne cesse de s’éroder ces derniers mois (avec une chute de 49% depuis le début de l’année – et de 89% depuis son sommet de 2008) et qui s’accélère ces derniers jours puisque son cours a atteint son plus bas historique.

Le souci est que cette banque n’est pas une petite banque régionale pépère, qu’elle ne gère pas qu’une poignée d’euros d’un modeste Land, mais qu’elle représente aussi bien sur le plan psychologique que financier une part importante de la puissance allemande : pour le Fonds Monétaire International, le groupe allemand, avec plus de 1 600 milliards d’euros à son bilan et 100.000 salariés, « apparaît comme le plus important contributeur net aux risques systémiques au sein du secteur bancaire international, devant HSBC et Crédit Suisse ». Autrement dit, s’il y a bien une banque qui ne peut pas, ne doit surtout pas faire faillite, c’est bien la Deutsche Bank, et on peut raisonnablement imaginer que tout sera fait pour l’éviter. Maintenant, compte tenu des volants énormes de produits dérivés (on parle de 50.000 milliards d’euros), on se perd un peu en conjectures sur la puissance des expédients que Mario Draghi, à la tête de la BCE, pourrait utiliser pour éviter la catastrophe…

D’autre part, la banque allemande n’est pas seule dans la tourmente, puisque les banques italiennes, de leur côté, accumulent des difficultés : grevées de 360 milliards d’euros de créances douteuses dont elles n’ont pu se séparer depuis la récession de 2011, elles affichent un besoin de capitaux de l’ordre de 40 milliards qu’elles sont bien en peine de trouver. Et si la Deutsche Bank peut prétendre, par son aspect systémique, à une aide bienvenue de la part de la BCE, la plupart des établissements italiens n’auront pas cette chance et devront se diriger vers la faillite (en effet, même avec un petit 20% de pertes, seul Unicredit serait encore solvable). Compte-tenu des dernières règles bancaires, on assisterait à un bail-in, c’est-à-dire un renflouement via les créanciers, les actionnaires … et les déposants de ces banques.

Politiquement, c’est si impopulaire que c’en est quasiment suicidaire. Or, à cette situation financière périlleuse, il faut ajouter le piège dans lequel s’est fourré le gouvernement actuel de Matteo Renzi en proposant un référendum en octobre prochain qui a toutes les chances d’entraîner sa démission et de déclencher des élections législatives. Les sondages actuels montrent que ces dernières amèneraient probablement au pouvoir Beppe Grillo, du mouvement M5S dont l’une des promesses de campagne porte sur … un référendum sur le maintien de l’Italie dans l’euro (toute ressemblance avec un cas précédent n’est pas totalement fortuite).

Ici, je pourrais choisir de m’appesantir sur les taux de rendement des emprunts d’État, tous en territoire négatifs, y compris en Suisse, et sur les attentes de plus en plus pressantes des investisseurs de nouvelles actions de la part des banques centrales sur le mode « faites un truc, n’importe quoi, mais vite », et noter avec un certain désabusement que « n’importe quoi » est tout à fait dans leurs cordes. Mais je me contenterai de fournir un graphique, celui du cours de l’or qui monte gentiment, montrant que certains se retirent à l’abri et que l’ambiance globale n’est plus du tout à l’euphorie.

Bref, comme j’expliquais en introduction, quelques jours après le Brexit, les problèmes de l’Union européenne font surface avec violence et la sidération politique qui a accompagné le vote britannique laisse maintenant place à un petit vent de panique boursière.

Malgré tout, il serait faux de caractériser ce qui se passe actuellement comme la résultante de ce Brexit, en condamnant au passage la décision des Britanniques, quitte à l’affubler de petits adjectifs acides comme « irresponsable » ou « émotionnelle ». Non, décidément, le Brexit n’est pas la cause des craquements qu’on entend de toute part sur les marchés, et n’est certainement pas la cause des difficultés de la Deustche Bank ou des banques italiennes (ou même françaises), qui couvent depuis bien plus longtemps que le référendum britannique. Ce dernier n’est qu’un élément déclencheur, la petite piqûre de rappel de la réalité à tous ceux qui pensaient qu’on pouvait continuer à faire ainsi léviter les marchés à coup d’injections de monnaie, de bricolages monétaires plus ou moins subtils, d’incantations politiques et de petits mouvements de mentons décidés.

Et surtout, s’il est hasardeux de lancer un pronostic sur ce qui peut se produire maintenant, il est encore plus hasardeux de croire que ces problèmes vont se résoudre tout seuls, sans casse, et a fortiori en augmentant les doses de ce qui a été tenté, sans succès, toutes ces années précédentes, par les mêmes fines équipes qui nous ont fourré là en premier lieu.

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