« Les banques centrales affirment officiellement que c’est l’absence d’inflation qui est la principale justification de leur politique d’assouplissement quantitatif.
C’est un voile pour masquer les véritables raisons de ces politiques ; si l’inflation est faible, c’est parce que la demande de biens et services est insuffisante, c’est à dire parce que nous sommes comme dans les années 30 en situation de surproduction et d’excès de capacités productives par rapport au pouvoir d’achat disponible. La concurrence ôte aux entreprises le pouvoir de hausser leurs prix. Par ailleurs les gens vivent dans un climat de peur du lendemain et la propension des gens à consommer s’en ressent.
Ouf, voilà qui est dit.
Qui est dit, mais qu’il ne faut surtout pas dire, car cela est gênant n’est ce pas. Il vaut mieux propagander, mentir et parler d’insuffisance d’inflation car l’inflation, tout le monde le sait, c’est un truc qui tombe du ciel. Dire qu’il n’y a pas assez d’inflation, c’est installer l’opacité, c’est fermer le livre qui permettrait de comprendre.
Cet argument invoqué de l’absence d’inflation permet aux banques centrales de poursuivre leurs politiques monétaires et par exemple elle permet à Draghi de continuer de financer les déficits budgétaires des pays européens du Sud. Elle permet à la Fed d’éviter la dégringolade boursière qui menace. Elle permet de maintenir le privilège du dollar comme monnaie d’un pays qui ne peut faire faillite car disposant de la planche à billets mondiale.
Cela fait plus de 10 ans que les élites recherchent l’inflation -disent ils- , cela fait 10 ans qu’elles font monter les Bourses et inflatent les patrimoines, 10 ans que la hausse des prix ne se manifeste que là ou l’argent va : sur les marchés financiers.
A un point tel que les valorisations des actifs financiers ont atteint des niveaux bullaires, indéfendables et donc vulnérables. Si les politiques monétaires venaient à être stoppées, alors les marchés connaitraient une chute qui mettrait à nouveau en danger la stabilité du système comme en 2008: ce serait la désolvabilisation en chaine. Les dominos.
Un jour ou l’autre, personne ne sait quand, les conditions économiques, politiques, géopolitiques et sociales changeront. L’inflation des prix des biens et des services reviendra, comme cela toujours été périodiquement le cas dans le passé.
Au moment où l’inflation commencera à s’enraciner, une grande partie de la «flexibilité» des banques centrales sera perdue.
Aujourd’hui, ceux qui prévoient le retour de l’inflation se ridiculisent.
De nombreuses personnes voient dans la chute des matières premières la preuve que la déflation est à nos portes.
Les politiques monétaires non conventionnelles, les QE, l’argent gratuit ont généré un état de surproduction dans le monde global .
Beaucoup de personnes voient les bas prix des produits de base comme la preuve que les prix des biens et services ne vont pas monter malgré la création d’énormes quantités de monnaie nouvellement imprimée. Nous devrions être prudents; les prix, souvent en baisse, des produits de base reflètent un manque de demande ou un déséquilibre temporaire de l’offre et ceci se corrigera. Lorsque cela se produira, les prix auront tendance à s’adapter plus ou moins rapidement pour refléter la nouvelle réalité . Les adaptations seront peut être longues, peut-être brèves, mais elles se feront, c’est ainsi que fonctionne l’économie.
Le mot clé dans le paragraphe précédent est « rapidement ».
Les autorités croient maîtriser le temps, or le temps c’est précisément ce qui leur échappe le plus.
Il suffit de constater leur impuissance à le gérer depuis 10 ans dans le monde occidental et depuis 30 ans au Japon ! Ils croyaient tous que la cure allait durer 2 ou 3 ans et nous en sommes à 10, voire 30 . C’est dire que le temps, c’est épais et cela peut soit s’accélérer soit se ralentir.
Et en fait, on ne le voit pas, on ne le sait pas, car sous les apparences, sous les surfaces, les choses économiques et sociales bougent, elles se réaménagent, se creusent, s’enracinent. Et peut être qu’en ce moment les racines de l’inflation sont en train de prendre, de se vivifier. Qui sait ?
Je prétends que c’est le cas, les racines de l’inflation s’enfoncent dans le sol… de la Bourse ; il y a tellement de capital fictif surévalué que ce capital fictif un jour ou l’autre ou bien s’auto-détruira ou bien il imposera que la hausse des prix des biens et services s’accélère puis s’envole. Le capital fictif ou bien il réclamera sa contre-valeur ou bien il se détruira.
J’ai toujours dit que le prix des actifs, contenait l’inflation future en germe comme le grain de blé contient la gerbe qui poussera dans le champ.
Le prix des actifs, c’est la somme des cash flows futurs et si les prix des actifs sont très élevés alors ou il faut soit détruire les actifs soit accélérer la hausse des cash flows, c’est à dire la croissance nominale, c’est à dire la hausse des prix.
J’ai toujours dit que l’inflation et/ou la destruction sont d’ores et déjà écrites.
L’inflation qui a frappé l’Allemagne dans les années 1920 a pris racine en une très courte période. Regardez le graphique ci dessous, la hausse des prix rampe, rampe puis d’un seul coup elle bondit, fait une pause puis rebondit de plus belle.
N’oubliez jamais l’incertitude : quand on regarde le passé on a sous les yeux une certitude mais quand on est en situation on hésite à interpréter, on hésite à croire en ce qui va se passer derrière. Nous sommes ainsi faits que nous sommes incapables de deviner les points de ruptures, les points où dorénavant cela cesse d’être comme avant.
Si un scénario similaire se déroulait aujourd’hui, il faudrait en plus tenir compte des interconnexions, des phénomènes de foule, des folies de la communication instantanée ou encore des emballements des algorithmes.
Divisez les temps de propagation par deux au minimum et par trois pour plus de vraisemblance.
N’oubliez pas l’originalité de la situation : nous avons une masse d’épargne considérable, nous avons une masse de liquidités encore plus considérable à cause du crédit, nous avons un stock de quasi liquidités absolument colossal et tout cela ne tient que parce que dans les circonstances présentes, leurs détenteurs sont persuadés qu’il vaut mieux détenir du papier, des promesses, plutôt que des actifs réels, des biens réels, des marchandises, etc .
Tout repose sur un pari, celui que la préférence pour le papier c’est à dire pour le vent et ses promesses va se maintenir. Lorsque la préférence pour le papier s’effondrera, alors la Sphère Réelle, celle des vrais actifs, des biens réels, des marchandises, des espèces sonnantes et trébuchantes, en sera totalement bouleversée.
La dette sans valeur réelle est considérable et elle n’est détenue qu’en vertu du goût pour le jeu : on la garde parce que son prix en tant que billet de loterie ne cesse de grimper ; mais dans la réalité ce papier c’est, ce sera un Mistigri. Il faudra s’en débarrasser et en plus il faudra savoir le faire avant les autres.
La machine infernale est prête elle n’attend que d’être actionnée.
Toutes les reconnaissances de dettes ne sont pas dignes de confiance et, à mesure que l’on crée de la monnaie plus ou moins fausse, à mesure que l’on brade l’argent gratuit, la qualité des dettes pourrit. La confiance disparaît, et tout le monde le sait. Ce qui est le plus grave car il n’y a aucune couche réelle d’acheteurs en réserve.
Nous sommes dans un système cynique ou on achète de la merde tout en le sachant. »
Bruno Bertez, le 28 octobre 2019
Quelques graphiques longs. A l’échelle de l’histoire pas de la spéculation !