« Il est temps d’envoyer des troupes de l’OTAN en Ukraine » : Kiev ne tombera pas à cause d’un manque d’armes, mais à cause d’un manque de soldats – les Européens doivent l’aider, estime Edward Luttwak, consultant du Département d’État américain.
Cette arithmétique est incontournable : les pays de l’OTAN devront bientôt envoyer des soldats en Ukraine, sous peine d’accepter une défaite catastrophique. Les Britanniques et les Français, ainsi que les pays nordiques, se préparent déjà discrètement à envoyer des troupes – à la fois de petites unités d’élite et du personnel logistique et de soutien – qui pourront rester loin du front. Ces derniers pourraient jouer un rôle essentiel en libérant leurs homologues ukrainiens pour les reconvertir dans des rôles de combat. Les unités de l’OTAN pourraient également soulager les Ukrainiens actuellement occupés à récupérer et réparer du matériel endommagé, et pourraient prendre en charge les parties techniques des programmes de formation existants pour les nouvelles recrues. Ces soldats de l’OTAN ne participeront peut-être jamais au combat, mais ils ne sont pas obligés de le faire pour aider l’Ukraine à tirer le meilleur parti de ses rares effectifs.
Surtout, alors que la Chine se rapproche de plus en plus d’une attaque contre Taiwan, les États-Unis ne peuvent pas fournir plus de troupes que les quelque 40 000 déjà stationnées en Europe. Une décision capitale est donc en jeu pour les autres membres de l’OTAN, en particulier pour les plus peuplés : l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Si l’Europe ne peut pas fournir suffisamment de troupes, la Russie l’emportera sur le champ de bataille, et même si la diplomatie parvient à intervenir pour éviter une débâcle totale, la puissance militaire russe sera victorieusement revenue en Europe centrale. À ce moment-là, les puissances d’Europe occidentale devront reconstruire leurs forces armées, qu’elles le veuillent ou non, à commencer par le retour du service militaire obligatoire. Peut-être que dans ces circonstances, nous pourrions même assister à une flambée de nostalgie nucléaire, rappelant bêtement l’illusion selon laquelle des armes apocalyptiques pourraient suffire à maintenir la paix.
