L’accord signé entre les producteurs de lait et le géant Lactalis limitera un peu les dégâts pendant quelques mois, après les blocages menés fin août. Mais il n’enrayera pas la crise agricole ni les drames se jouant dans les fermes. Le prix du litre de lait acheté au paysan en 2016 correspond à celui de 1986… Pas étonnant, dans ces conditions, que nombre d’éleveurs soient en grande difficulté. A ce rythme, 45 000 producteurs laitiers pourraient disparaitre d’ici dix ans. Pendant ce temps, les marges financières ont augmenté pour les multinationales du secteur et la grande distribution. De grandes fortunes se bâtissent grâce au lait. Qui osera réguler de nouveau ce secteur livré à la loi du plus fort ?

« Une sortie de crise positive pour le secteur laitier ». C’est en ces termes que le premier ministre Manuel Valls s’est félicité de l’accord trouvé le 30 août à Laval, en Mayenne, entre les producteurs de lait et l’un de leurs principaux collecteurs, Lactalis (Lactel, Président, Bridel, Salakis…). Jusqu’à fin 2016, les éleveurs pourront vendre leur tonne de lait 290 euros – soit 0,29 euros par litre de lait – contre 257 euros en août (0,25 €/l). Suite à l’accord, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricole, le syndicat majoritaire) a immédiatement demandé la fin des blocages, saluant cette augmentation et l’alignement de Lactalis sur des niveaux de prix similaires à ses concurrents.

Cette petite hausse des prix soulagera un peu les trésoreries des éleveurs. Mais n’enrayera pas la crise agricole. Les mêmes problèmes risquent de se reposer dès début 2017. « Il faut au moins 0,35 euros pour couvrir les coûts de production et rémunérer le travail », estime le syndicat Confédération paysanne. L’accord signé à Laval aboutit à une moyenne de 0,27 euros par litre sur l’année. C’est justement le prix du litre de lait qui était payé au producteur… il y a trente ans !

« Gigantesque plan de licenciement en cours »

« Nous étions à 28 centimes d’euros le litre en 1986, 30 centimes en 2000, et, en 2016, nous sommes à 26 centimes », rappelle Jules, éleveur laitier proche de la retraite [1]. La marge financière dégagée depuis 2000 bénéficie exclusivement à l’industrie qui transforme le lait – en vert dans le graphique ci-dessous – et aux distributeurs – en rouge), comme le montrent les données de l’Observatoire de la formation des prix et des marges alimentaires. Si les revenus des producteurs de lait n’ont pas augmenté, le consommateur, lui, paie le litre de lait plus cher. Le demi-écrémé est ainsi vendu 75 centimes d’euros en grande et moyenne surface en 2015, quand il est acheté environ 30 centimes aux éleveurs…

« On est donc bien loin d’avoir trouvé une solution à la crise, déplore la Confédération paysanne. On continue à détruire les paysans et dépenser l’argent public pour cacher un plan de communication qui dissimule mal le gigantesque plan de licenciement en cours des paysannes et paysans. » En une trentaine d’années, et en dépit du maintien de la production laitière en volume, le nombre d’exploitations laitières (65 000 en 2015) a été divisée par six et le cheptel de vaches laitières (3,6 millions de têtes en 2015) a été réduit de moitié [2]. Si le rythme actuel de disparition des fermes laitières se poursuit, voire s’accélère en raison des crises à répétition, la France pourrait perdre les trois quarts de ses 65 000 producteurs laitiers actuels d’ici dix ans, soit plus de 45 000 emplois en moins.

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