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Abandonné au milieu du gué par son propre électorat, Nicolas Sarkozy quitte la scène. Comme ses prédécesseurs, celui qui fut président de la République de 2007 à 2012 a exercé la plénitude de ses attributions en matière internationale conformément à la pratique constitutionnelle du « domaine réservé ». Mais que retiendra l’histoire de ce passage aux affaires ? On peut répondre sans excès de sévérité qu’il en restera peu de chose.

L’inflexion qu’il donna à la politique extérieure, en effet, se résume à un alignement inédit de la France sur les USA. En confiant les forces françaises au commandement intégré de l’OTAN, en mars 2009, il accomplit un spectaculaire bond en arrière ! Avec lui, la France rentra au bercail atlantiste que le général de Gaulle lui avait fait quitter en 1966. Comme si l’indépendance gaullienne était une simple parenthèse, ce président qui se disait gaulliste jeta aux orties un précieux héritage.

Sous sa présidence, la France fut sommée d’entonner un refrain éculé : ces États-Unis qui sont nos sauveurs d’hier, comment pourrions-nous les décevoir ? Entre une hypothétique déception américaine et celle, inévitable, des peuples du Sud, le tandem Sarkozy-Kouchner, à l’époque, a fait son choix sans hésiter. Il a scellé, jusque dans les réunions d’état-major, le mariage contre-nature avec une hyperpuissance erratique dont la lubie néo-conservatrice, au même moment, s’effondrait avec fracas. Ce reniement, Nicolas Sarkozy l’a pleinement assumé. Comme son successeur François Hollande, il a occulté la signification de la décision prise par le général de Gaulle en 1966. Le sort du monde, alors, était suspendu à l’affrontement entre les blocs, l’Amérique engagée au Vietnam, le Tiers Monde en effervescence. En sortant la France du carcan atlantique, de Gaulle voulait conjurer l’affrontement des deux camps et tendre la main aux peuples du Sud. Il s’agissait pour la France d’affirmer sa souveraineté, de faire entendre une voix indépendante.

C’est pourquoi le général de Gaulle reconnut la Chine populaire, dénonça l’intervention américaine en Asie du Sud-Est (discours de Phnom Penh) et amorça la détente avec l’URSS. Sortir de l’Alliance atlantique ? De Gaulle n’y a jamais songé. Mais en soustrayant les forces françaises au commandement américain, il donnait sa crédibilité à une politique étrangère indépendante. Il confortait son plaidoyer pour un monde multipolaire. La France retrouvait son éclat parce qu’elle avait quelque chose à dire au reste du monde.

Sous Nicolas Sarkozy, le retour d’une France repentante à la maison-mère eut lieu au pire moment. À peine élu, Barack Obama entendait sortir son pays du guêpier irakien. Mais il voulait aussi poursuivre la guerre en Afghanistan pour y traquer Ben Laden. Cette incohérence stratégique aurait dû inciter à la prudence, mais l’exécutif français n’en avait cure. Se ralliant à la bannière étoilée, il dépêcha sur le terrain de nouvelles troupes et les confia aux bons soins des généraux américains. Bras séculier d’un Occident vassalisé par Washington, l’OTAN s’embourba en Afghanistan comme les USA en Irak.

Mais le pire était à venir. Au printemps 2011, l’intervention militaire contre la Libye illustra jusqu’à la caricature la dérive d’un appareil militaire inféodé aux calculs politiciens des dirigeants français, britanniques et américains. Ce pays qui connaissait le PIB par tête le plus élevé d’Afrique fut dévasté, son président lynché et 30 000 personnes massacrées pour satisfaire les appétits pétroliers du camp occidental. Conseillé par un pseudo-philosophe bénéficiant d’un accès illimité aux médias, Nicolas Sarkozy fit figure de chef d’orchestre de ce « regime change » déguisé en opération humanitaire. Triste gloire. Cette supercherie tourna au désastre, et la région sahélienne continue d’en faire les frais.

Plaidant en faveur de l’intégration militaire, l’ancien président préconisait une France « alliée mais pas vassale » et « fidèle mais pas soumise » . Étrange dénégation à vrai dire, et trop insistante pour ne pas s’apparenter à un aveu ! Une France ni « vassale » ni « soumise » ? Mais sous Nicolas Sarkozy, la France rallia le commandement intégré de l’OTAN. Elle doubla le nombre de militaires français en Afghanistan. Elle absout généreusement Israël de toute responsabilité dans la tragédie de Gaza en 2009. Elle contribua à la diabolisation du Hamas et du Hezbollah. À la remorque de Washington, elle jeta même de l’huile sur le feu, avec Bernard Kouchner, dans le conflit du Darfour.

Avec enthousiasme, Nicolas Sarkozy relaya sur tous les fronts la propagande américaine contre « l’Axe du Mal ». Il pratiqua une surenchère belliciste (en vain, heureusement) contre la République islamique d’Iran. Résumant la situation en août 2007, le président français se contenta d’une traduction littérale de l’antienne des néoconservateurs américains : « Iran Bomb or Bomb Iran ». La France faisait partie du trio diplomatique censé explorer les voies d’une solution pacifique à la crise, mais l’exécutif français sabotait lui-même les négociations auxquelles il participait !

Pour jouer ce rôle sur la scène internationale, Nicolas Sarkozy n’avait pas besoin de se forcer. Inconditionnel avéré des USA, il admire sa puissance. À croire qu’elle le rassure, lui qui avalisa le renoncement français. Son amour pour les États-Unis traduit sa fascination pour un modèle américain, plus fantasmé que réel, dont la vertu est de faire ressortir cet archaïsme français dont il prétendait nous débarrasser. Si les Européens (et surtout les Français) vous dénigrent, aimait-t-il déclarer aux Américains, c’est parce qu’ils sont jaloux de votre réussite.

Cette allégeance proclamée induit une attitude inimaginable chez ses prédécesseurs. En septembre 2006, bien avant son élection, il fit le procès rétrospectif de l’opposition de Jacques Chirac aux entreprises guerrières de George W. Bush. « J’ai toujours préféré l’efficacité dans la modestie plutôt qu’une grandiloquence stérile, déclare-t-il devant la French American Foundation. Et je ne veux pas d’une France arrogante et pas assez présente ». La messe est dite ! Nicolas Sarkozy n’est pas Dominique de Villepin. À sa place, il aurait cautionné la politique irakienne de George W. Bush.

Sous sa présidence, la politique extérieure de la France enterra le noble héritage de la « grandeur ». Nicolas Sarkozy manifesta à l’égard des USA un zèle admiratif. Il voulait être le premier de la classe dans la cour atlantiste. Il y a réussi, mais au prix de notre indépendance. Cet alignement par le bas de la singularité française se paye encore aujourd’hui. Il a signé le reniement d’une tradition qui conférait à la France une aura singulière. Fossoyeur du gaullisme, Nicolas Sarkozy a légué à son successeur son propre renoncement. Et ce n’est pas François Hollande, hélas, qui restaura avec éclat ce qui faisait jadis la singularité du message de la France.

Bruno Guigue

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