Le referendum qui s’est déroulé en Hongrie ce dimanche 2 octobre a finalement été invalidé en raison d’un trop fort taux d’abstentionnisme. Cependant, 98,32 % de 43 % des votants se sont exprimés pour le « non ». L’UE exulte, avec beaucoup de discrétion, pendant que le premier ministre Viktor Orbán atteint lui l’objectif qu’il s’était fixé : renforcer son pouvoir en interne et remettre publiquement en question la politique de Bruxelles et sa légitimité.
Le referendum
Il n’est pas offert à tout le monde de triompher d’une défaite. Et pourtant Viktor Orbán l’a fait, tournant à son avantage l’échec d’un referendum, ou plutôt de sa validité, referendum pour lequel le gouvernement avait néanmoins investi beaucoup de ressources (on parle de sommes qui varient entre 30 et les 45 millions d’euros).
Le referendum portait sur un thème devenu désormais classique en Europe : la répartition de quotas d’immigrés et de réfugiés entre les États membres. Dans ce cas spécifique, il était question de placer en Hongrie 1294 réfugiés sur près de 160.000 et ainsi de soulager en partie les autres pays, principalement l’Italie et la Grèce. Ce nombre était bien trop faible pour « menacer » l’identité hongroise, mais la question n’était pas là.
Une question de souveraineté
Bien que la nébuleuse de la gauche européenne ait rapidement crié victoire, et que certains commentateurs aient vu en cet événement une défaite nette pour Viktor Orbán, voire le signe de sa prochaine défection, la réalité de ce résultat est bien différente. Elle ne portait pas vraiment sur la question de l’identité, de la xénophobie de la population ou d’un prétendu nationalisme. Non, elle traitait de la question de la souveraineté, une souveraineté encore aujourd’hui au cœur des problèmes que l’UE affronte. À travers ce referendum le gouvernement d’Orbán lance un nouveau défi aux institutions de l’UE, le dernier d’une longue série. Il est parvenu à démontrer la limite à la souveraineté politique et économique qu’impliqué l’appartenance à cette Europe.
Victor Orbán incarne l’histoire de la Hongrie, pays qui s’est toujours retrouvé dans un certain flou quant à la question souveraine. Pendant des siècles les magyares se sont retrouvés sous le juge étranger : les Ottomans, les Autrichiens et, après la Seconde guerre mondiale, les Soviétiques puisque la Hongrie faisait alors partie du Pacte de Varsovie. En outre les multiples redimensionnements de l’État hongrois au cours de son histoire ont posé une question ouverte : la présence, dans les pays voisins, de presque trois millions de magyares. Cet ensemble de facteur historiques et culturels ont fait naître chez une partie des Hongrois le sentiment que la souveraineté du pays n’est assurée que par une forte identité nationale, ce qui s’est récemment traduit par un nationalisme fort et une politique très conservatrice.
C’est pour cela que Orbán incarne pleinement ce nationalisme profond chez les magyares. Ancien opposant au régime communiste, calviniste, conservateur et anti-libéral, il fait de la souveraineté de la Hongrie le point central de son intervention politique. Célèbre pour avoir ordonné la construction d’un mur anti-migrants avec la Serbie et la Croatie, il l’est moins pour avoir amélioré l’économie du pays (taux d’imposition sur les revenus fixé à 16 %, réduction des déficits publics en dessous du 3 % du PIB, rejet des conditions du FMI, réduction du nombre des députés).
C’est une évidence que ceux qui ont voté pour le rejet des quotas sont politiquement proche de l’électorat de base d’Orbán, qui se voit ainsi renforcé au niveau national. En outre, et pour le simple fait d’avoir organisé un referendum qui visait à contredire une décision supranationale, place le Premier ministre magyare parmi les chefs de file des eurosceptiques et des conservateurs européens.
La défaite de Victor Orbán se révèle être une victoire politique majeure, tant sur le plan national, le plan local (Europe de l’Est), et le plan européen dans son ensemble.