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Le roi Salman d’Arabie saoudite effectuait depuis mercredi et pour trois jours le premier voyage officiel en Russie d’un chef d’État du royaume islamique pétrolier. Un événement, alors que l’Arabie saoudite est historiquement liée aux États-Unis depuis 1938, alliance scellée par le Pacte du Quincy en 1945, mêlant coopération pétrolière et appui politique. Or la rencontre prévue entre Salman et Vladimir Poutine a porté précisément sur des contrats énergétiques et militaires, et cela malgré les dissensions entre les deux parties au sujet de la Syrie où le régime nationaliste arabe des Assad est l’ennemi historique du wahhabisme saoudien. Un basculement pétrolier et diplomatique se prépare au Proche-Orient.

Salman et Poutine se sont entretenus de grands contrats d’énergie mais aussi de défense, autre entorse à la coopération historique des Saoudiens avec Washington. Au programme, d’abord, de nouvelles réductions de production de pétrole au sein de l’OPEP (dont la Russie ne fait pas partie) en vue de sa prochaine réunion de novembre, afin de faire face à l’atonie des cours du brut. Les deux pays sont fortement dépendants des exportations pétrolières, nonobstant leurs efforts pour diversifier leurs économies, saignées par la chute des cours depuis 2014 : même remonté à 56 dollars, le baril reste encore deux fois moins cher qu’alors. L’Arabie saoudite envisage ensuite d’investir un milliard de dollars US dans des projets énergétiques russes, en particulier dans une installation de gaz naturel liquéfié dite Arctic-LGN-2. « La volonté politique de Moscou et de Riyad d’approfondir leur coopération dans un éventail de domaines très large est claire », a déclaré le porte-parole du Kremlin Dimitri Peskov.

Basculement pétrolier et diplomatique : le roi Salman a discuté d’un contrat d’armement russe de 3 milliards de dollars

Brièvement gêné par la panne d’un escalator à l’aéroport moscovite de Vnoukovo à son arrivée mercredi, le roi Salman, 81 ans, s’est déplacé avec une délégation de plus de mille personnes. De quoi marquer l’importance de la rencontre. Son agenda comporte en effet un volet sensible au plan des grands équilibres diplomatiques : la discussion d’un contrat d’armement de quelque trois milliards de dollars US (2,5 millions d’euros) pour l’achat par Riyad du système de défense aérien russe S-400 Triumph, le plus sophistiqué du catalogue. Ce contrat devrait être signé lors de la réunion de l’OMC ce mois-ci.

Au plan diplomatique, les deux parties divergent évidemment sur la question syrienne, où quelque 330 000 personnes ont été tuées au cours de la guerre qui ravage le pays depuis 2011, et sur le Yémen où l’Arabie mène une coalition – soutenue par les États-Unis mais critiquée par la Russie – contre les rebelles chiites Houtis depuis 2015. La reprise du contact, même sur des positions éloignées, est en soi historique : « Il s’agit vraiment d’un événement qui marque un changement d’époque », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov.

Vladimir Poutine souligne un « événement clé », Salman qualifie la Russie de « pays ami »

L’accueil en grande pompe du souverain wahhabite a marqué l’importance de cette visite côté russe. Jeudi, lors de la réunion au sommet, Vladimir Poutine a salué un « événement clé » qui va amorcer « un élan » des relations bilatérales. Le roi Salman a retourné le compliment en déclarant que la Russie était « un pays ami ».

En matière de défense, Moscou voit se rétrécir ses marchés historiques de Chine et d’Inde, qui commencent à devenir autosuffisants. La Russie doit donc trouver de nouveaux débouchés pour un secteur dans lequel elle reste dans le peloton de tête, avec 20 % des armes vendues dans le monde en 2016.

La conquête du marché saoudien a été difficile. Annoncé en 2012, un précédent contrat d’armement de 20 millions de dollars imposant que la Kremlin ne vende pas de missiles C-300 à l’Iran, premier adversaire de l’Arabie saoudite, avait été suspendu, Vladimir Poutine lui préférant finalement un contrat d’un milliard de dollars avec Téhéran.

Une rencontre sur fond de lourd passif entre Moscou et Riyad

Le passif entre Moscou et Riyad est lourd. L’Arabie saoudite soutint l’insurrection antisoviétique en Afghanistan puis les milices wahhabites islamistes en Tchétchénie et au Daghestan. La présence aux rencontres du Kremlin cette semaine de Ramzan Khadirov, président tchétchène à la poigne de fer et promoteur d’un soufisme rival du wahhabisme, a rappelé la persistance du problème. Et bien sûr le sort de Bachar el-Assad, soutenu par Moscou, constitue la plus vive pierre d’achoppement, Riyad soutenant activement l’insurrection islamiste. Pour autant, selon le quotidien britannique The Independent, les négociateurs croient en une possible désescalade.

« Les Saoudiens ont moins d’intérêts et se rendent compte que la Russie contrôle la situation », dit Iouri Barmin, expert au Conseil russe des Affaires internationales. « Ils se rendent compte que l’équilibre des pouvoirs a changé dans la région : que les États-Unis se retirent et que la Russie accroît son influence au Moyen-Orient », ajoute-t-il. De fait, c’est l’évolution de la position géopolitique de la Russie qui aura rendu possible cette visite hautement improbable voici encore quelques mois du roi Salman.

Salman veut trouver des soutiens à son héritier, Poutine compenser les sanctions occidentales

Pour autant, estime Oliver Carroll, analyste à The Independent, la date choisie par Salman est aussi liée à sa volonté de préparer des soutiens étrangers à son successeur désigné, le prince Mohammed bin Salman. « Bin Salman est mal vu dans son pays en raison de son rôle dans la très impopulaire guerre du Yémen et dans le blocus du Qatar », explique M. Barmin. D’où l’empressement du roi à lui ménager des amitiés utiles.

Pour la Russie, enfin, l’enjeu est aussi crucial. Étranglé par les sanctions occidentales et lesté d’un manque de compétitivité, l’empire compte sur ce nouveau débouché pour se relancer. Avec, en prime, de gros investissements espérés de la part du puissant fonds souverain saoudien. Le chemin pourtant sera long : en 2015, sur les 10 milliards de dollars espérés, seul… un million a été effectivement investi en Russie.

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