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Vous avez entendu parler de cette partie du monde, vous savez qu’elle connaît de fortes tensions, mais vous ne savez pas vraiment pourquoi ?

Planetes360 vous propose durant ces prochaines semaines une série exclusive qui viendra mettre en avant un Caucase bien trop discret dans nos médias francophones. Pourtant, cette région est un espace clé de l’affrontement qui se joue entre les puissances occidentales et orientales. Maxence, journaliste indépendant, a étudié et traversé cette région au cœur des enjeux stratégiques internationaux.



Le Caucase est, ethniquement, parmi les régions les plus riches du monde. Elle doit se statut si particulier à sa situation géographique, celle de carrefour entre l’Occident et l’Orient, entre la mer Noire et la mer Caspienne. La zone est habitée par des dizaines, voire des centaines de groupes ethniques ; le seul Daghestan, république fédérée de Russie, en compte pas moins d’une quarantaine sur son territoire.

La morphologie du Caucase favorise cette incroyable diversité ethnique et linguistique. Des montagnes de plus de 3000 mètres d’altitude séparent les différentes régions entre elles, et enferment les peuples dans des vallées difficilement franchissables, diversifiant ainsi les langues et les coutumes, soudant les membres des clans.

Historiquement le Caucase a souvent été partagé entre trois puissances : l’empire Russe, l’empire Ottoman et l’empire Perse. Plusieurs guerres ont opposé ces trois puissances pour le contrôle du Caucase et ses richesses, jusqu’à ce que le Caucase soit finalement encadré par les Russes. Cette concurrence n’a jamais cessée, et elle continue encore aujourd’hui sous d’autres formes, et avec des nouveaux acteurs.

Le Caucase, une région composée de hautes montagnes enclavant les villages
Le Caucase, une région composée de hautes montagnes enclavant les centres urbains.

Le Caucase pendant l’URSS

L’histoire du Caucase est ancienne et difficilement compréhensible pour les occidentaux, dont la vision du monde (centralisation administrative, droits de l’homme, émancipation, sécularisme, libéralisme économique…) est bien trop divergente de celles des peuples caucasiens, dont les codes et valeurs remontent à une époque très ancienne, que soixante-dix ans de soviétisation ne sont pas parvenus à déraciner. Cette soviétisation est par ailleurs à l’origine des frontières délimitant les états actuels, sources de multiples conflits.

Remontons un peu dans le temps. C’est la fin de la première guerre mondiale, les empires Russes et Ottomans s’effondrent, et le Caucase éclate en un grand nombre de républiques, l’une plus éphémère que l’autre, et en guerre dès leur naissance. Elles seront par la suite effacées par les bolcheviques, qui réunirons en 1922 les républiques d’Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan dans la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, laquelle sera dissolue en 1936. Le Caucase du Nord sera lui à nouveau englobé dans la RSFS de Russie. Moscou se pose dès lors comme arbitre suprême des différents territoriaux entre les états et populations du Caucase, et cela pendant presque soixante-dix ans.

Pendant cette période, une commission spéciale pour le Caucase est créée par les bolcheviques pour découper les territoires et ainsi mieux les administrer. Ainsi des territoires majoritairement peuplés d’Arméniens (le Haut-Karabagh et le Nakhitchevan) seront donnés à la RSS d’Azerbaïdjan, les régions de Kars, Ardahan et Igdir à la Turquie kémaliste en échange du port de Batoumi, qui fera partie de la RSS de Géorgie. En même temps l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud feront partie de la RSS de Géorgie, et d’autres découpages territoriaux dans le Caucase du Nord (notamment en Tchétchénie et Inguschie), et plusieurs déportations de populations, créeront les bases pour les futurs conflits ethniques qui déchireront le Caucase tout juste après la chute de l’URSS.

Le Haut-Karabagh, une région source de nombreux conflits encore d'actualités
Le Haut-Karabagh, une région source de nombreux conflits encore d’actualités.

La Caucase après la chute de l’URSS

Au cours de l’année 1991, l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan font sécession de l’Union Soviétique. L’indépendance des trois républiques caucasiennes dévient effective à partir du 26 décembre 1991, date à laquelle l’URSS cesse d’exister.

Terminé le contrôle de Moscou. Pourtant, le Caucase post-soviétique est vite englouti dans un tourbillon de guerres, de nettoyages ethniques, de mafias locales, de corruption et d’agents internationaux aux intérêts nombreux. Cette partie du monde a vu, en à peine quatre ans, de 1992 à 1996, cinq guerres, qui firent plus de cent mille morts et presque deux millions de déplacés. Ces conflits seront quasiment oubliés à cause de la médiatisation des guerres yougoslaves et des opérations militaires en Irak. Ce sont les guerres Abkhazie-Géorgie, Ossétie du Sud-Géorgie, Haut-Karabagh – Azerbaïdjan, Inguschie- Ossétie du Nord et Russie- Tchétchénie.

C’est donc l’ensemble du territoire caucasien qui est touché d’une manière plus ou moins directe par la guerre. Jusqu’à aujourd’hui, aucune de ces guerres n’est réellement terminée, entraînant ainsi un grand nombre de « conflits gelés » qui éclatent ponctuellement, comme le montrent la seconde guerre en Ossétie du Sud en juin 2008 et les affrontements au Haut-Karabagh en avril 2016.

Depuis l’effondrement de l’URSS, le Caucase est de jure divisé entre quatre pays : le Caucase du Nord, qui fait partie de la Fédération de Russie et compte sept républiques fédérées dont l’autonomie est plus ou moins respectée (Tchétchénie, Inguschie, Adyguée, Daghestan, Ossetie-du-Nord-Alanie, Karatchaievo-Tcherkessie et Kabardino-Balkarie) et deux krais (Stavropol et Krasnodar). Le Caucase du Sud, qui se compose de trois républiques indépendantes, celles d’Arménie, de Géorgie et d’Azerbaïdjan, aux orientations politiques très différentes : pro-occidentale la Géorgie, russophile l’Arménie, neutre (mais néanmoins très proche de la Turquie) l’Azerbaïdjan.

En réalité les choses sont beaucoup plus compliquées que ça.

Si de jure le Caucase se divise actuellement entre quatre entités étatiques internationalement reconnues, de facto les entités sont sept puisque trois régions autonomes ont déclaré leur indépendance en même temps que les quatre autres.

Il s’agit du Haut-Karabagh, anciennement oblast autonome au sein de la RSS d’Azerbaïdjan et majoritairement habité par des Arméniens, de l’Ossétie du Sud, ancien oblast autonome de la RSS Géorgie, et de l’Abkhazie, ancienne république autonome au sein de la RSS de Géorgie. Les trois républiques sont inpendantes de facto mais internationalement reconnues comme faisant partie de la Géorgie, dans les cas de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, et de l’Azerbaïdjan, dans le cas du Haut-Karabagh. Cependant elle existent : elles ont leurs institutions et infrastructures, comme universités, hôpitaux, parlements, armées et même politique internationale.

Cliquez sur cette carte pour avoir un aperçu des états indépendants sus-nommés
Cliquez sur cette carte pour avoir un aperçu des états indépendants sus-nommés

Dans le Caucase du Nord aussi, les choses se compliquent dès la dislocation de l’URSS. En octobre et novembre 1992 la frontière entre l’Ossétie du Nord et l’Inguchie devient le théâtre d’affrontements entre milices ingouchètes qui réclament le rattachement du rayon de Prigorodny (y compris la capitale de l’Ossétie du Nord, Vladikavkaz) à l’Ingouchie, et les ossètes, qui veulent maintenir le status quo.

Peu de temps après la Russie lance une offensive militaire en Tchétchénie, qui a refusé de faire partie de la Fédération de Russie votant pour la sécession. C’est la première guerre de Tchétchénie, qui verra la Russie du président Boris Eltsine perdre contre les milices tchétchènes de l’ancien générale de l’Armée Rouge Djokhar Doudaïev. La Tchétchénie sera ensuite réintégrée dans la Fédération de Russie en février 2000 au terme d’une seconde guerre, particulièrement sanglante, sous la présidence de Vladimir Poutine.

Il faut noter que la Russie est fortement engagée dans tous ces conflits. De par son poids militaire et politique évident, elle soutien ouvertement les indépendantistes en Abkhazie et Ossétie du Sud, plus discrètement les Arméniens du Haut-Karabagh, soutient le gouvernement tchétchène (sous son contrôle), et fournit en armements l’Arménie et l’Azerbaïdjan, pourtant en guerre.

La politique russe au Caucase est aujourd’hui la même que celle qui avait lieu sous l’URSS : divida et impera, soutenir un camp au détriment de l’autre et faire des accords avec les deux pour ainsi mieux les contrôler. L’objectif primaire de Moscou est le maintient de son contrôle du Caucase, point de passage entre l’Orient et l’Occident, mais pas seulement puisqu’il est le carrefour entre la mer Caspienne, riche en ressources énergétiques, et les mers Noire et Méditerranéenne. La position géographique stratégique du Caucase a en fait réveillé les intérêts de plusieurs acteurs internationaux dès la chute de l’URSS, qui voulaient prendre sa place.

Qui sont les acteurs principaux de la région et quels sont leurs intérêts ?
Qui sont les acteurs principaux de la région et quels sont leurs intérêts ?

Les principaux acteurs au Caucase

– La Russie. Elle veut garder le contrôle politique, économique et militaire dans le Caucase afin de continuer à contrôler les routes énergétiques et commerciales, et pour mieux servir ses intérêts au Proche-Orient (La Syrie et l’Iran sont alliés à la Russie). Son allié le plus sûr est l’Arménie, qui abrite trois bases militaires russes, fait partie du Traité de Sécurité Collectif (OTSC, sorte d’OTAN version russe) et de l’Union Économique Eurasiatique (UEE). Selon certains observateurs, notamment pro-occidentaux, l’UEE serait une tentative de la part de la Russie de récupérer son influence dans l’espace post-soviétique pour recréer une sorte de URSS sur des nouvelles bases (libéralisme économique, régimes parlementaires autoritaires, liberté de culte, etc). La Russie a aussi des bases militaires en Abkhazie et en Ossétie du Sud.

– L’Union Européenne. Son influence est avant tout économique et culturelle, notamment parmi la jeunesse née durant la dislocation de l’URSS, et qui a bénéficié des programmes d’études offerts par l’UE et de ses Ong. Les trois républiques du Caucase du Sud font partie du Conseil de l’UE, l’Arménie fait partie de l’Organisation Internationale de la Francophonie depuis 2009 et la Géorgie voudrait adhérer à l’UE, qui soutient ses revendications à l’égard des républiques séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Actuellement les intérêts de l’UE se jouent autour des oléoducs de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, qui transporte du gaz et du pétrole dans les ports de la mer Noire de Supsa, en Géorgie, et en méditerranée de Ceyhan, en Turquie (la fameux oléoduc BTC : Bakou-Tbilissi-Ceyhan), réduisant ainsi la dépendance énergétique avec la Russie, dont les oléoducs passent par… l’Ukraine.

– Les États-Unis. Leur objectif est de contenir l’influence de la Russie sur les plans économiques, militaires, énergétiques et politiques. Pour cela ils ont soutenu toutes les tentatives de « révolutions colorés » dans l’espace post-soviétique, emmenant au pouvoir l’ancien président de la république géorgienne Mikheil Saakashvili, qui éloigna la Géorgie de l’orbite russe pour l’accrocher à celui du bloc occidental dans l’espoir de récupérer les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. La Géorgie a également la ferme intention de rejoindre l’OTAN, ce qui a comme effet de créer chez les russes un sentiment évident d’encerclement.

– La Turquie. L’oléoduc le plus important du Caucase, le BTC, passe en territoire turc. La Turquie d’Erdogan à un grand nombre d’intérêts au Caucase, qui se frittent avec ceux de la Russie. C’est le seul état qui supporte ouvertement les revendications de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabagh en raison d’une prétendue solidarité ethnique, les Azerbaïdjanais se réclamant Turcs, et de commune hostilité envers les Arméniens, russophiles. En 2016 à été inauguré un chemin de fer qui relie la ville turque de Kars, proche de la frontière avec l’Arménie et la Géorgie, avec celles géorgiennes de Akhalkalaki et Tbilissi, puis jusqu’à la capitale azerbaïdjanaise, Bakou.

LIran. Peu après la chute de l’URSS beaucoup d’analystes internationaux étaient convaincus que l’Iran allait récupérer une certaine influence dans le Caucase. Ce ne fut pas le cas, et ce n’est que récemment que l’Iran est parvenu à tisser des liens forts dans la zone, en raison de son alliance avec Moscou. La Russie et l’Iran se retrouvant assez proches quant à leurs positions anti-américaine, pro-Bachar al-Assad en Syrie, voire « anti-sunnite » (pour plus d’informations vous trouverez un court complément ici). D’importants projets économiques entre la Russie et l’Iran sont en cours. L’Iran a de très bons rapports avec l’Arménie, dont il accueille une importante et prospère diaspora, mais en mauvaise relations avec l’Azerbaïdjan, pour des raisons autres (l’Iran considère l’Azerbaïdjan comme faisant partie de son territoire historique).

Voici qui termine ce rapide tour d’horizon. Nous vous proposerons dans les prochaines semaines quelques compléments quant aux différents intérêts voire interactions entre les états de la région. D’ici là, nous vous souhaitons des lectures riches et variées.

Par Maxence V.
Pour Planetes360

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