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Pourquoi cette crise financière vous semble-t-elle inévitable ?
Sans céder au déterminisme, ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a un problème structurel lié aux taux d’intérêts nuls ou négatifs des pays riches. Je crains qu’ils ne restent proches de zéro de façon durable à cause de la déflation. Du coup, les investisseurs vont continuer de prendre des risques irresponsables sur les marchés financiers : plus les taux d’intérêts sont faibles, plus les investisseurs sont incités à tout risquer pour rentabiliser leurs placements. Le manque de rendement des titres obligataires devient alors une incitation permanente à la faute. Couplé à l’énormité des dettes privées (et non publiques) dans le monde, cela fait un cocktail idéal pour une nouvelle crise.
Où commencerait cette crise ?
Il y a beaucoup de foyers possibles. En premier lieu, il y a la dette des étudiants américains, qui dépasse les 1.500 milliards de dollars. Les étudiants américains qui arrivent sur le marché du travail ne peuvent rembourser leur dette que s’ils ont de hauts salaires dès le début de leur carrière. Et ce n’est possible que si l’économie américaine résorbe vraiment le chômage dissimulé derrière les petits boulots sous-payés, si l’inflation repart à la hausse accompagnée d’une croissance forte (ce qui serait une catastrophe pour le climat). Or, le risque que le marché du travail américain s’essouffle est réel.On pourrait alors se retrouver dans une situation analogue à celle de 2007.
Un deuxième foyer possible serait… une nouvelle crise des subprimes. Beaucoup d’institutions de crédit américaines ont recommencé les mêmes bêtises qu’avant 2007. Elles prêtent à nouveau à des ménages pauvres américains, avant de titriser ces crédits douteux et de les disséminer sur les marchés internationaux. Comme si nous n’avions rien appris de la déroute de 2008 ! Autre source possible aux Etats-Unis : la dette des cartes de crédit : 1.000 milliards de dollars environ. Ces montagnes de dettes sont d’ailleurs liées entre elles et dessinent une économie où la dette joue le rôle d’une drogue dure. Combien de temps le toxicomane américain parviendra-t-il à se procurer la came sans laquelle il ne peut plus vivre ?
Le troisième foyer pourrait être européen : une grande banque du continent ferait faillite, par exemple. Les banques européennes ont beaucoup de Non-performing loans, ou des actifs “pourris » pour parler français : plusieurs centaines de milliers d’euros. Les banques italiennes, notamment, mais elles ne sont pas les seules : des cajas espagnoles vont toujours mal ; les Landesbanken allemandes ne vont pas bien non plu (et l’Allemagne a tout fait pour empêcher la Banque Centrale Européenne d’aller superviser de près ce secteur) ; Deutsche Bank donne régulièrement des signes de fragilité inquiétants. Nous sommes loin d’être à l’abri de la faillite d’un gros établissement bancaire européen. Contrairement à ce qu’elles répètent, les banques n’ont pas fini de nettoyer leurs bilans après la crise de 2008. A l’époque de Christine Lagarde, le FMI avait déjà multiplié les mises en garde à ce sujet.
Quatrième foyer : la Chine. Les banques chinoises sont des banques d’Etat publiques complètement opaques, dont on ignore une grande partie du bilan. Elles ont énormément prêté pour alimenter l’explosion immobilière sur la côte Est chinoise. Or des erreurs d’estimation des flux migratoires liés à l’exode rural chinois —- qui touche plus d’une centaine de millions de personnes sur une décennie — ont entraîné des milliers de quartiers fantômes, vides aujourd’hui. Cette bulle immobilière pourrait crever d’un instant à l’autre, un peu comme au Japon à la fin des années 1980.
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