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Au-delà de l’hystérie anti-Trump

Hillary Clinton est politiquement correcte. Hillary Clinton est expérimentée. Hillary Clinton est une bonne communicante. Hillary Clinton est une femme -donc nécessairement du côté des « forces du progrès »-. Donald Trump est raciste. Donald Trump est sexiste. Donald Trump n’a pas d’expérience. Donald Trump est grossier. Gary Johnson et Jill Stein n’existent pas, puisqu’ils n’ont aucune chance de gagner et de constituer une alternative à la menace fasciste incarnée par le candidat républicain. Ainsi peut être résumé le traitement médiatique d’une campagne dont les enjeux quant à l’avenir du monde auront rarement été aussi fondamentaux. Les conséquences de l’élection du président des Etats-Unis ne s’arrêtent en effet jamais aux frontières américaines, mais se répercutent dans le monde entier, et jamais depuis l’apogée de la Guerre Froide la situation sur l’échiquier mondial n’a été aussi préoccupante qu’à l’aube de ce suffrage majeur.

Il convient d’admettre que le candidat républicain, qui est une caricature, mérite sans doute la plupart des qualificatifs qui lui sont régulièrement attribués par la presse occidentale. Il est néanmoins dramatique que toute la sphère médiatique ait axé le traitement de la campagne sur la personnalité fantasque du candidat républicain. Le traitement médiatique de ce dernier implique un soutien de facto, à peine voilé lorsqu’il n’est pas ouvertement revendiqué, à la candidate démocrate, dont le discours d’apparence consensuel occulte des ambitions martiales extrêmement préoccupantes n’ayant que trop rarement été débattues. Si l’on ne peut effectivement absolument pas savoir ce que Donald Trump ferait réellement s’il était élu, une comparaison des discours sur le sujet fondamental qu’est la question de la paix et de la guerre amène à admettre que celui du candidat républicain semble bien moins nocif pour la sécurité du monde que les considérations bellicistes de la candidate démocrate. Sur cette question fondamentale, on relèvera la position de ces deux exclus du circuit médiatique que sont le candidat libertarien Gary Johnson et la candidate des Verts Jill Stein, le premier renvoyant dos à dos l’armée de Bachar al-Assad et les Etats-Unis dans la responsabilité des morts en Syrie, et la seconde dénonçant la politique extérieure de Hillary Clinton comme plus dangereuse que celle de son rival car présentant le risque de conduire à un affrontement nucléaire. A l’inverse d’un Bernie Sanders s’humiliant chaque jour davantage au gré des révélations de Wikileaks montrant le mépris qu’éprouve Hillary Clinton à son égard et les procédés malhonnêtes par lesquels elle a remporté l’élection primaire. Dans ce contexte faisant craindre à tout moment un dérapage dans le ciel syrien entre les armées russe et américaine, l’enjeu principal de cette campagne est-il réellement de savoir qui est le plus politiquement correct ? Les lecteurs des médias occidentaux sont-ils vraiment informés des implications réelles de chaque programme des deux candidats à la Maison Blanche ?

La seule question devant nous intéresser en tant que Français, -outre la question économique, le choix entre une politique américaine libre échangiste ou protectionniste se répercutant de facto sur les économies européennes-, réside en celle de la politique extérieure des Etats-Unis. Les autres relèvent des affaires intérieures américaines et ne nous concernent d’aucune manière, relevant de la souveraineté exclusive du peuple américain. Pourtant, les médias n’ont eu de cesse de se focaliser sur la personnalité de Donald Trump, sur ses propos à l’égard des immigrés mexicains, des musulmans ou des femmes. Tandis que Wikileaks enchaîne les révélations graves sur Hillary Clinton, les médias se sont focalisés sur des propos à l’égard des femmes tenus par le candidat républicain il y a une dizaine d’années dans le milieu du show-business. Tout au long de la campagne, les informations révélées par Wikileaks sont passées au mieux au second plan dans les médias occidentaux, au pire ont été disqualifiées car présumées pilotées depuis le Kremlin pour tenter d’influer sur les résultats des élections américaines -certaines « théories du complot » seraient-elles finalement plus acceptables dans un sens que dans l’autre ?-.

La question de la Russie a en effet été au cœur des échanges et accusations entre les candidats et le plus abordé des sujets au cours des trois grands débats. Pour Donald Trump, la Russie n’est pas un ennemi mais peut être un partenaire, notamment dans la lutte contre le terrorisme, se détachant ainsi de la ligne des néo-conservateurs américains attachés à la désignation d’un ennemi extérieur. La candidate démocrate reste au contraire fidèle à sa tradition va-t-en guerre. Mais cette fois, l’ennemi n’est plus un Etat limité face à la force de frappe américaine comme ont pu l’être hier l’Irak ou la Libye ; cette fois, l’ennemi désigné est une redoutable puissance nucléaire, dirigée d’une main ferme par un homme d’Etat plébiscité par son peuple. L’ennemi russe est à l’unisson désigné par les médias, sans aucun tact ni mesure, et par beaucoup d’hommes politiques occidentaux comme l’illustrent les déclarations agressives d’un François Hollande ou d’un Boris Johnson. La candidate démocrate ne cache pas son mépris pour le chef d’Etat russe, et l’accuse de crimes de guerre en Syrie. Le point de tension réside en effet en la question de la crise syrienne -dont on peut se demander de quelle manière elle concerne le peuple américain-, et plus précisément d’Alep. La ville cristallise les tensions, théâtre de bombardements meurtriers de la part des aviations russe et syrienne d’une part, emportant la vie de nombreux civils pris en otage par les « rebelles » bloquant les couloirs humanitaires permettant de quitter la ville, et d’autre part de tirs aveugles de missiles et de mortier de l’ex Al-Nosra devenu Fatah Al-Cham -peut être ces derniers font-ils encore du « bon boulot » aux yeux de Laurent Fabius  ?-.

Car bien au-delà d’une simple question régionale, la Syrie est bien l’enjeu principal de cette élection américaine. C’est l’ensemble du monde qui pourrait s’embraser si Hillary Clinton appliquait la politique étrangère qu’elle prône, ayant déjà été aux affaires sous le premier mandat de Barack Obama et ayant été l’une des artisanes du renversement -et de facto de l’assassinat- du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, dont elle s’était réjouie en s’exclamant dans un éclat de rire « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort ». Un attrait pour la rhétorique martiale déjà exposé quelques années plus tôt lorsque la candidate démocrate fit la promesse en 2008 qu’en cas d’attaque de l’Iran à l’encontre d’Israël -en avaient-ils réellement les moyens et l’intérêt stratégique?-, les Etats-Unis les « anéantiraient ». Ce dernier étant lié par des accords militaires à la Russie, on imagine sans peine les conséquences cataclysmiques de l’enclenchement d’un jeu d’alliances. Une perspective qui n’inquiète pas la candidate, laquelle s’est déclarée prête à donner une réponse « militaire » aux alléguées cyber-attaques russes contre les bases de données du Parti Démocrate, exhortant de traiter ces attaques « comme n’importe quelle autre attaque ». C’est donc une menace explicite de déclaration de guerre à l’encontre de Moscou à laquelle s’est livrée Hillary Clinton avec une invraisemblable légèreté, sans que les médias ne s’en émeuvent. En coulisses, la tension est pourtant de plus en plus palpable et les préoccupations sont de plus en plus martiales. L’administration du Pentagone parle de refuser « d’exclure la première frappe nucléaire » en cas de confrontation avec la Russie. Les hauts gradés de l’armée américaine parlent de conflit « quasiment certain » avec la Russie, lequel serait « extrêmement meurtrier et bref », le chef d’état major Mark Milley menace sans le nommer Moscou de le « frapper plus fort » qu’il ne l’a « jamais été ». De son côté, la Russie a installé des missiles anti-aériens en Syrie et menace d’abattre tout missile ou tout appareil menaçant l’armée syrienne, pour éviter toute nouvelle « erreur » américaine consistant à bombarder involontairement l’armée syrienne durant près d’une heure, qui pourrait emporter la vie des militaires russes déployés sur le terrain pour fournir une aide logistique et humanitaire. Vladimir Poutine songe à rouvrir les bases militaires de la Guerre Froide à Cuba et au Viêtnam, et l’état-major et les médias russes semblent également se préparer au pire. Les exercices militaires de l’OTAN et de la Russie se multiplient, sous forme de véritables démonstrations de force.

Hillary Clinton s’est dite prête à déclencher un affrontement militaire avec la Russie, peu importe, Donald Trump a moqué le physique d’une présentatrice. D’après les e-mails révélés par Wikileaks, Hillary Clinton savait pertinemment que le Qatar et l’Arabie Saoudite, dont les fonds irriguent la Fondation Clinton, finançaient Daesh, peu importe, une actrice pornographique accuse Donald Trump d’avoir essayé de l’embrasser il y a 10 ans. D’après les e-mails révélés par Wikileaks, Hillary Clinton a menacé d’entourer la Chine de missiles, peu importe, Donald Trump a dit que les immigrés mexicains sont des délinquants. Les concepts de « lutte contre les discriminations » et son corollaire de « lutte contre la haine », dont le bien fondé en tant que valeurs humaines n’est pas remis en question au contraire de leur utilisation comme arme de manipulation politique, ont-ils définitivement outrepassé la réalité du politique au point de faire passer au second plan la sécurité du monde? Le plus dramatique est sans doute que certaines personnes pensent réellement que les élites américaines et les médias haïssent Donald Trump pour ce genre de considération éthique. Il est évident que les raisons pour lesquelles le commun des personnes haïssent Donald Trump n’ont rien à voir avec celles pour lesquelles les élites dirigeantes et la sphère médiatique le haïssent. Donald Trump représente une épine dans le pied de l’establishment à plusieurs égards, incarnant la colère populaire de l’Amérique enracinée face à une mondialisation dont ils n’ont subi que les effets les plus pervers. Sur le plan économique, son protectionnisme entre en conflit avec les intérêts des multinationales ayant fondé leur prospérité sur le libre-échange au détriment de la classe moyenne ayant subi de plein fouet ces politiques ultra libérales dont Hillary Clinton, ayant déclaré en privé rêver d’une abolition des frontières dans l’hémisphère nord, a été l’une des artisanes. Sur le plan militaire, son non-interventionnisme risque de causer un important préjudice au complexe militaro-industriel, et s’oppose -du moins sur le plan du discours- aux guerres ayant pour but, au nom des « droits de l’homme », de renverser les Etats non alignés sur la doctrine américaine. Telles sont les raisons du mépris affiché de l’ensemble des élites américaines, et ce malgré la caution apportée par le choix d’un Mike Pence comme colistier, dont les positions sur la question syrienne sont bien plus en phase avec la philosophie des élites néoconservatrices, et malgré les déclarations agressives à l’égard de l’Iran auxquelles Trump a pu se livrer au cours de la campagne. Au-delà du personnage, la ligne Trump incarne la révolte du peuple producteur sédentaire contre les élites cosmopolites acquises au « regime change », et incarne un phénomène plus général de l’opposition entre la nation et le globalisme. Du fait de son comportement souvent puéril, le candidat républicain a une importante part de responsabilité dans le traitement qui lui a été réservé, ayant multiplié les phrases provocantes ou polémiques tout au long de la campagne, tournée en sorte de reality-show. Néanmoins, il y a deux Donald Trump. Il y a le clown multipliant les blagues potaches, et la révolte populaire qu’il porte et qui le porte. De la même manière, il y a deux Hillary Clinton. Il y a la communicante se posant en rassembleur de la nation et en défenseur du progrès social et sociétal, et il y a la politicienne de métier se vantant en privé d’avoir un double discours et prête à soutenir toutes les guerres impériales des Etats-Unis, peu importe les risques de confrontation globale qu’ils impliquent. Le constat croisé de la facette mise en avant pour chacun des deux candidats est relativement évident et son résultat s’impose à toute personne douée de discernement, sans égard au candidat que chacun considère comme le plus à même de diriger les Etats-Unis.

Il convient de ne guère pour autant se bercer de trop d’illusions quant à la présidence éventuelle d’un Donald Trump s’il était élu, celui-ci risquant de se heurter à de multiples blocages du Congrès s’il souhaite réellement mettre en œuvre la politique pour laquelle il a été élu. Sur le plan militaire, il devrait également avoir à composer avec la résistance de son état major et de la CIA comme Kennedy le dut en son temps, lorsqu’il s’opposa frontalement à l’Agence par son désir d’apaisement des relations avec l’URSS. Si cette perspective n’est guère rassurante, que dire de celle d’une Hillary Clinton adoubée par un Congrès dominé par des lobbies auxquels elle a prêté toutes allégeances, prêt à la suivre dans sa marche à la guerre ? Cette présidentielle américaine ressemble sans doute à une parodie d’élection opposant un personnage fantasque et une va-t-en guerre ; néanmoins, si nous ne savons certes pas ce que Donald Trump est capable de faire, nous savons pertinemment ce que Hillary Clinton est capable de faire. Cette simple constatation pragmatique est de nature à pousser à s’interroger sur les réjouissances des médias et d’une grande partie de l’opinion publique à l’idée d’une défaite du candidat républicain.

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