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La prévention est le mantra du Dr Jean-Pierre Després. Il y a urgence d’agir, alors que l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et l’hypertension ne cessent de faire des ravages.

(Québec) Chef de file mondial sur la recherche en obésité abdominale, le Dr Jean-Pierre Després mène depuis plus de 25 ans un combat pour sensibiliser la population aux risques associés à ce mal qui touche un Québécois sur cinq. Le chercheur prône la mise sur pied d’un vaste programme de prévention qui inciterait la population à bouger davantage et à s’alimenter plus sainement. Le Soleil l’a rencontré dans les bureaux d’Alliance Santé Québec, au PEPS de l’Université Laval.

C’est lors de ses études au Cégep de Sainte-Foy, à la fin des années 70, que Jean-Pierre Després a découvert que le corps humain était capable de s’adapter à l’effort. À l’époque, coureur de 400 m, il décide de passer aux longues distances, dont le marathon. «Tu t’aperçois que ton corps change, tu fonds un peu, tu deviens endurant. Je réalisais à quel point on était bien quand on s’entraînait. Je me sentais tellement zen.»

Accepté en médecine, il opte plutôt pour des études en sciences de l’activité physique, continuant à en apprendre sur la physiologie de l’exercice et, plus particulièrement, sur les facteurs de risques associés à l’accumulation de graisse abdominale, «la forme de surpoids la plus dangereuse pour la santé».

Quarante ans plus tard, le directeur de la recherche en cardiologie court moins qu’avant en raison de problèmes articulaires – en revanche, il pédale beaucoup – mais demeure convaincu plus que jamais de son choix de carrière.

En 1999, alors qu’une offre alléchante «d’une grande université américaine avec des moyens démesurés» lui fait «plier les genoux», les patrons de l’Hôpital Laval, qui allait devenir l’IUCPQ (l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec), lui proposent de diriger la recherche en cardiologie à l’établissement du chemin Sainte-Foy.

«Ils sont la raison pour laquelle je suis encore à Québec. C’est la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie», confie-t-il, mentionnant avec fierté que l’IUCPQ est «plus performant au plan scientifique» que l’Institut de cardiologie de Montréal. «On fait plus avec moins d’argent. On est un fleuron en cardiologie au Canada.»

Prévenir, mieux que guérir 

La prévention est le mantra du Dr Després, âgé de 58 ans. Il y a urgence d’agir, professe le père de quatre enfants, alors que l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et l’hypertension ne cessent de faire des ravages. «Trente-six pour cent de la population mondiale ne bouge pas assez. La sédentarité tue plus de monde que le tabagisme.»

La situation n’est guère plus rose au Québec. «On compte 600 000 diabétiques. Avec ceux qui s’ignorent, on monte à 800 000. Comme si toute la population de la région de Québec avait le diabète. On fait quoi avec ça? Pas besoin d’être un génie en mathématiques pour calculer les coûts que ça entraîne pour le système de santé.»

Bien entendu, il n’est pas facile de changer ses habitudes de vie. Une saine alimentation et le goût de l’exercice ne s’imposent pas du jour au lendemain. Selon une récente étude américaine, une heure quotidienne d’activité physique vigoureuse, comme la marche rapide, est nécessaire pour contrecarrer les méfaits de notre mode de vie sédentaire.

À quelqu’un qui veut prendre sa santé en main, le Dr Després conseille de ne pas mettre la barre trop haut. «Tu n’es pas obligé de manger du poisson si tu n’aimes pas ça, ou des graines et du foin le restant de tes jours. Mais tu es condamné à bouger tous les jours. Vous ne trouvez pas ça facile? Rassurez-vous, vous êtes une personne normale. Et si vous craquez et mangez deux pizzas, ce n’est pas fini, encore là, c’est normal.»

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Projet pilote

Dans leur cabinet, les médecins ne disposent pas d’assez d’outils ni de temps pour s’occuper des patients à risques. D’où l’idée d’un projet pilote qui permettrait de joindre aux Groupes de médecine familiale des spécialistes, tels des kinésiologues et des nutritionnistes.

«Il faut mettre la science au service de la population. On a tout ce qu’il faut», lance-t-il convaincu du bien-fondé du projet. Un partenariat pourrait même être développé avec les entreprises. Pour chaque dollar investi par l’employé, par exemple, l’employeur pourrait en mettre deux. Le jeu en vaudrait la chandelle. «Aux États-Unis, un employé sur cinq chez General Motors et Ford est en arrêt de travail en raison de maladies chroniques.»

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, et la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, Lucie Charlebois, ont été mis au parfum. La balle est dans leur camp, glisse-t-il. «On a tout ce qu’il faut. Il faut capitaliser là-dessus. C’est maintenant que ça doit se passer […] J’aimerais qu’on passe à l’action avant que j’accroche mes patins.»

Oubliez le pèse-personne

Jean-Pierre Després n’est pas monté sur une balance depuis 25 ans. «Un pèse-personne, c’est inutile, ça ne sert à rien.» Pour avoir une bonne idée de la transformation de son corps soumis à un exercice régulier, c’est le ruban à mesurer qu’il faut utiliser. Le tour de taille fait foi de tout.

«J’entends souvent dire que l’exercice physique est inutile pour perdre du poids, qu’il faut se mettre au régime. C’est n’importe quoi! Tu ne peux pas évaluer l’impact de l’exercice par la perte de poids, ce n’est pas un bon paramètre», explique le Dr Després. L’indice de masse corporelle (IMC), outil utilisé par les médecins, ne trouve pas plus grâce à ses yeux, cet outil ne tenant pas compte des différents types de morphologie.

Le scientifique apporte en exemple une étude effectuée avec un groupe de quinquagénaires, chargés de franchir à vélo une distance de 2000 km entre Copenhague et le nord de la Norvège. «Quand ils sont arrivés à destination, deux semaines plus tard, ils n’avaient rien perdu. Par contre, les chercheurs ont noté une transformation de 5 kg dans leur composition corporelle. Ils avaient perdu 2,5 kg de masse grasse et pris 2,5 kg de masse maigre [du muscle].»

Aussi, plutôt que vérifier son poids tous les jours, le Dr Després préconise la mesure du tour de taille, prise au-dessus des crêtes iliaques (de la hanche). À plus de 90 cm pour les hommes et 85 cm pour les femmes, des voyants rouges devraient s’allumer sur le tableau de bord. Combinés à un taux élevé de triglycérides dans le sang, «les risques d’avoir trop de graisse viscérale sont de 75 à 80 %».

Un Québécois sur cinq arbore un surplus de graisse abdominale. Chez les femmes, les effets se font surtout sentir après la ménopause, alors que le taux d’oestrogène, qui servait de protection, diminue.

«Quand la graisse est molle, c’est de la graisse sous-cutanée. Quand elle est dure, c’est de la graisse viscérale. C’est la plus dangereuse. En prenant de l’expansion, elle libère plusieurs substances qui créent de l’inflammation.»

Dommages collatéraux

Les dommages collatéraux se font alors sentir sur le foie, qui devient saturé en lipides. Le coeur et ses artères écopent également. Les muscles deviennent «persillés» de cellules graisseuses. «C’est la totale», laisse tomber le Dr Després, pour développer du diabète, des maladies coronariennes, certaines formes de cancer, des accidents vasculaires cérébraux, l’apnée du sommeil.

Il existe également des preuves d’incidence sur la santé cognitive des personnes âgées, la démence risquant de s’installer plus tôt. Jouer au Scrabble, c’est bien pour garder le cerveau en forme, mentionne le Dr Després, «mais je leur dis qu’il faut surtout marcher, marcher, marcher…» 

Pas une poubelle!

Le Dr Després avoue ne jamais compter les calories qu’il ingère. En revanche, il est actif presque tous les jours sur sa bicyclette stationnaire. Chaque fin de semaine, il se tape des sorties de 200 km en vélo.

«Quand j’ai faim, je mange», mentionne-t-il. Des fruits, des légumes, du poisson, des noix, des légumineuses. Il se tient loin des aliments transformés, des boissons gazeuses et de tout ce qui s’appelle malbouffe. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne craque pas à l’occasion pour une poutine.

«Ne traitez pas votre bouche comme une poubelle. Si vous vous mettez au régime, vous ne serez plus mon ami […] Les frites, les chips, les beignes, les biscuits Oreo, ce sont ce que j’appelle des aliments festifs. On ne dit pas de les bannir, ce ne sont pas des aliments interdits, mais il faut les consommer avec beaucoup de parcimonie.»

«On a trop tendance à rechercher la perfection dans le message, poursuit-il. On dérape tous de temps en temps. Le problème, c’est de déraper au point d’en manger tous les jours.»

L’omniprésence du sucre dans les produits transformés le préoccupe beaucoup. Sensible au discours alarmiste sur les effets néfastes des gras saturés, l’industrie alimentaire s’est tournée vers des produits plus riches en sucre, contribuant ainsi à «l’épidémie d’obésité et de diabète», déplore le scientifique. «En voulant faire baisser le taux de cholestérol des gens, on les a rendus de plus en plus gros.»

«Nos enfants sont de plus en plus intoxiqués. Ça peut représenter jusqu’à 20-25 % de l’apport calorique d’une journée. Boire un litre de jus de fruit par jour, ça équivaut à une quantité de sucre phénoménale. Vaut mieux manger des fruits et pour s’hydrater, boire de l’eau.»

Taxer les boissons gazeuses

L’idée d’une taxe sur les boissons gazeuses, fort bien, estime le Dr Després, mais encore faut-il que l’argent recueilli serve à la prévention chez le segment de la population qui en fait une surconsommation chronique. «S’il y a une taxe, qu’est-ce que le gouvernement va faire avec cet argent? lance-t-il, perplexe. Il faudrait qu’il le retourne aux gens qui en ont besoin pour s’acheter des fruits et des légumes, qui ont besoin de bouger.»

Chapeau au Grand Défi Pierre Lavoie

Capitaine d’une équipe qui roule sur 1000 km au Grand défi Pierre Lavoie, le Dr Després applaudit à cette initiative qui, depuis huit ans, fait la promotion de l’activité physique et de saines habitudes de vie. Il se réjouit d’autant plus que les jeunes embarquent à plein dans l’aventure, par l’intermédiaire des Cubes énergie, sources de frustration toutefois chez certains parents. «Tant mieux s’il y en a qui trouvent ça lourd. Si c’est le cas, ça veut dire qu’ils en ont besoin, qu’ils ne bougent pas assez. Ce n’est pas vrai qu’on ne peut pas trouver du temps pour aller jouer dehors avec ses enfants. On dit qu’on n’a pas le temps, mais on passe quatre à cinq heures par jour devant la télé.»  

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