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Au Yémen, les djihadistes anti-Charlie Hebdo sont les mercenaires de nos alliés du Golfe

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Au sujet du fondateur de www.deep-news.media : Diplômé d’un Master 2 « Théorie et pratique des droits de l’Homme » à la Faculté de Droit de Grenoble, Maxime Chaix est journaliste, essayiste et traducteur, spécialisé dans les domaines du renseignement, des opérations clandestines, des questions stratégiques, de la criminalité financière et du terrorisme global. En mars 2019, il a publié son premier livre, « La guerre de l'ombre en Syrie », qui a été recommandé par un certain nombre d'experts et de journalistes, notamment dans Marianne, Le Monde diplomatique, RAIDS et la Revue Défense Nationale (https://maximechaix.info/?p=3829). En janvier 2020, il a lancé un nouveau site d'informations, d'enquêtes et d'analyses baptisé www.deep-news.media, qui s'est fixé comme objectif de traiter en profondeur des questions géopolitiques les plus sensibles et taboues en Occident. Depuis 2014, il a notamment écrit pour Paris Match, MiddleEastEye.net, RAIDS Magazine, GlobalGeoNews.com, dedefensa.org et le Club de Mediapart. Déplorant le soutien irréfléchi de la majorité des médias français pour le militarisme occidental – ce qu’il considère comme préjudiciable au débat démocratique et à la sécurité collective –, il défend un journalisme à l’anglo-saxonne, résolument critique envers les guerres de changement de régime, les opérations clandestines et la surveillance de masse imposées par les puissances de l'OTAN. Il s’inspire donc de Glenn Greenwald, Trevor Timm, John Pilger, Nafeez Ahmed, Gareth Porter, Mehdi Hasan, Jeremy Scahill ou encore Peter Dale Scott, un auteur et ancien diplomate canadien dont il est le principal traducteur francophone.

Depuis le 3 septembre se tient le procès des attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et de Montrouge. Hélas, depuis ces tueries, l’hystérisation du débat public sur l’islam empêche tout dialogue serein, et il suffit de s’en inquiéter pour être traité de « collabo ». Il est donc regrettable que la question des alliances de Paris avec les pétromonarchies du Golfe ne soit pas débattue pendant ces audiences. En effet, dès le printemps 2015, notre Exécutif a soutenu l’effort de guerre de l’Arabie saoudite et des Émirats Arabes Unis au Yémen, qui souhaitaient vaincre les rebelles houthis pro-iraniens. Dans cet objectif, Riyad et Abou Dhabi ont recruté, armé et financé de nombreux djihadistes d’al-Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA), soit l’organisation qui avait formé l’un des frères Kouachi en 2011 pour attaquer Charlie Hebdo. Analyse d’une inquiétante schizophrénie occidentale, qui ne suscite aucune réaction chez nos confrères les plus enclins à critiquer l’islam sous n’importe quel prétexte. 

AQPA, l’inspiratrice et commanditaire de la tuerie de Charlie Hebdo

Dans un récent article, notre confère Matthieu Suc a détaillé le voyage de Chérif Kouachi vers le Yémen, à la fin du mois de juillet 2011. Transitant par Oman, il avait utilisé le passeport de son frère Saïd pour déjouer les contrôles aéroportuaires, puis s’était illégalement introduit en territoire yéménite avec son complice Salim Benghalem – qui finira par rejoindre Daech en Syrie à partir du printemps 2013. Une fois au Yémen, Kouachi et Benghalem « seraient alors convenus avec Anwar al-Awlaqi, responsable des opérations extérieures [d’al-Qaïda dans la Péninsule Arabique], d’un projet d’attaque visant en France les rédacteurs de magazines ayant publié ces contenus jugés blasphématoires à l’égard du Prophète », selon une note de la DGSI citée par Matthieu Suc. Kouachi et Benghalem reçoivent alors une formation militaire dans un camp d’AQPA, puis retournent en France avec leur sinistre projet en tête.

Le 30 septembre 2011, Anwar al-Awlaqi est tué par une frappe de drone qui ne sera reconnue qu’en mai 2013 par l’administration Obama. Malgré cette élimination, l’ordre d’al-Awlaqi sera exécuté trois ans et demi plus tard par Chérif Kouachi et son frère, en ce funeste matin du 7 janvier 2015. Ce jour-là, huit membres de la rédaction de Charlie Hebdo, l’un de leurs invités, deux policiers et un agent de maintenance sont assassinés par ces deux terroristes, qui se revendiqueront deux jours après comme des membres d’AQPA, et qui désigneront al-Awlaqi comme le commanditaire et le financeur de cette tuerie.

Depuis le 3 septembre dernier se tient le procès de ces attentats, et de ceux perpétrés par Amedy Coulibaly à Montrouge puis à l’Hyper Cacher. Or, comme l’on pouvait s’y attendre, ces audiences ont donné lieu à une vive polémique, où des intellectuels et des journalistes sont à nouveau accusés d’avoir « préparé le terrain à l’attentat » contre Charlie Hebdo. Si le fait d’en vouloir à ceux que l’on perçoit comme des complices du djihadisme est compréhensible, il est regrettable que la politique étrangère de l’État français soit totalement occultée de ce débat. Un retour en arrière est indispensable pour le comprendre.

AQPA, un soutien de nos alliés du Golfe dans leur guerre au Yémen 

Le 26 mars 2015, soit moins de trois mois après les attentats contre Charlie Hebdo, l’Arabie saoudite, les Émirats Arabes Unis et leurs alliés sunnites lancent une intervention militaire au Yémen, qui provoquera les années suivantes une gigantesque crise humanitaire. Comme nous le savons désormais, cette offensive a été militairement appuyée par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Or, l’opinion française ignore que, durant cette campagne, des centaines de combattants aguerris et plusieurs chefs de guerre d’AQPA seront financés, armés et protégés par cette « coalition arabe ». En d’autres termes, et avec l’aval du Pentagone, le réseau terroriste à l’origine de l’attentat contre Charlie Hebdo sera ensuite utilisé par l’Arabie saoudite et les Émirats pour contrer les rebelles houthis pro-iraniens. Or, nous allons voir que de nombreux experts occidentaux – y compris l’ex-ambassadeur de France pour le Yémen –, étaient parfaitement conscients de ce trouble jeu de nos alliés du Golfe dès les premiers stades de leur offensive.

En juillet 2015, le chercheur et ancien analyste de la CIA Bruce Riedel souligna sur le site de la Brookings Institution que « la guerre au Yémen [avait alors] un vainqueur local : al-Qaïda. Les Saoudiens [semblaient] étrangement indifférents à cela. Depuis début avril [2015], al-Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA) contrôle la cinquième plus grande ville du Yémen, al-Mukalla, et une bonne partie du gouvernorat de l’Hadramaout – qui est le plus vaste de ce pays et qui abritait environ un tiers de la production pétrolière locale avant la guerre. Al-Mukalla est le deuxième plus grand port yéménite sur l’océan Indien après celui d’Aden. »

Cet expert du Moyen-Orient ajouta que, « depuis le début de la guerre au Yémen, la Royal Saudi Air Force et ses partenaires de la coalition n’ont pas ciblé l’émirat d’AQPA dans l’Hadramaout. Il n’a pas du tout été soumis aux bombardements que subissent d’autres villes de ce pays. En conséquence, les déplacés yéménites ont cherché refuge et protection à al-Mukalla. Le port est également resté ouvert à certains trafics, contrairement aux ceux contrôlés par les rebelles houthistes. La volonté manifeste de Riyad de tolérer un bastion d’al-Qaïda à sa frontière sud a suscité des théories complotistes au Yémen, selon lesquelles les Saoudiens considèreraient AQPA comme un allié contre les Houthis, au moins implicitement. » Hélas, ces accusations étaient bel et bien fondées, si l’on en croit celui qui était alors l’ambassadeur de France pour le Yémen, Jean-Marc Grosgurin.

Le 6 mars 2016, il déclara devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat être au courant que « les forces gouvernementales » soutenues par nos alliés saoudiens et émiratis constituaient alors « un “patchwork” de miliciens » incluant des « islamistes » et des « membres d’AQPA ». Il reconnut même les « relations ambiguës » de ces pétromonarchies vis-à-vis de ce réseau terroriste, mais sans rappeler à nos Sénateurs que cette organisation avait inspiré et commandité l’attentat contre Charlie Hebdo. L’ambassadeur Grosgurin affirma également que les « Émiriens ont (…) une différence majeure avec Riyad : ils ne veulent pas combattre aux côtés d’al-Qaïda. (…) Pour [eux], AQPA est clairement un ennemi. Riyad est plus ambigu à ce sujet (…) Il faut cependant signaler que [l’armée de l’air saoudienne] n’a jamais frappé les sites occupés par al-Qaïda. La ville d’al-Mukalla, chef-lieu de la province du Hadramaout, occupée depuis plusieurs mois par al-Qaïda, n’a jamais été [bombardée] par la coalition. Pour les Émiriens, c’est inacceptable. »

Or, si ces derniers considéraient officiellement AQPA comme un ennemi, la réalité du terrain était bien différente. En effet, al-Mukalla fut évacuée quelques semaines après ces déclarations de l’ambassadeur Grosgurin, en vertu d’un accord secret entre AQPA et les Émirats Arabes Unis. Durant leur évacuation, ces djihadistes auraient emporté jusqu’à 100 millions de dollars volés, sans que les drones et les chasseurs américains ne frappent leur convoi. Ignorant ces liens occultes entre AQPA et les Émirats, notre ambassadeur était toutefois conscient, en mars 2016, de la présence de l’organisation à l’origine des attentats de Charlie Hebdo au sein de la « force gouvernementale » de nos alliés du Golfe au Yémen. Or cette coalition était elle-même appuyée militairement par les États-Unis, la France et la GrandeBretagne. Étrangement, les médias francophones n’ont jamais relayé ces informations, malgré leur tendance à critiquer tout ce qu’ils perçoivent comme une compromission vis-à-vis de l’islam radical. Pour l’instant, la raison d’État s’impose.

 

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